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DE LA SAGESSE,


nard voulant passer sur la glace d’une riviere gelée, applique l’oreille contre la glace, pour sentir s’il y a du bruict, et si l’eaue court au dessoubs, pour sçavoir s’il faut advancer ou reculer ; dont s’en servent les Thraciens voulans passer une riviere gelée. Le chien, pour sçavoir auquel des trois chemins se sera mis son maistre, ou l’animal qu’il cherche, après avoir fleuré et s’estre asseuré des deux, qu’il n’y a passé pour n’y sentir la trace, sans plus marchander ny fleurer, il s’eslance dedans le troisiesme. Le mulet du philosophe Thales, portant du sel et traversant un ruisseau, se plongeoit dedans avec la charge, pour la rendre plus legere, l’ayant une fois trouvée telle, y estant par accident tombé ; mais estant après chargé de laine ne s’y plongeoit plus. Plutarque dict avoir veu en un batteau un chien jettant en un vaisseau des cailloux, pour faire monter l’huile qui estoit trop basse. Autant s’en dict des corbeaux de Barbarie, pour faire monter l’eau, quand elle est basse, et qu’ils veulent boire. De mesme, les elephans portans des pierres et pieces de bois dedans la fosse où un autre leur compagnon se trouve engagé, pour lui ayder à en sortir. Les bœufs des jardins royaux de Suze, apprins à faire cent tours de roue à l’entour d’un puits, pour en tirer de l’eau, et en arrouser les jardins, n’en vouloyent jamais faire d'advantage, et ne failloyent aussi jamais au compte. Toutes ces choses comment se peuvent-elles faire sans discours et ratio-