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DE LA SAGESSE,


reprochent-elles que nous ne nous entr’entendons pas nous-mesmes. Nous n’entendons pas les Basques, les Bretons, et elles s’entr’entendent bien toutes, non seulement de mesme espece, mais, qui plus est, de diverse : en certain abbayer du chien, le cheval cognoist qu’il y a de la cholere ; et en autre voix il cognoist qu’il n’y en a point. Au reste elles entrent en intelligence avec nous. En la guerre, aux combats, les elephans, les chiens, les chevaux, s’entendent avec nous, font leurs mouvemens accordans à poursuyvre, arrester, donner, reculer ; ont paye, solde et part au butin, comme il s’est practiqué en la nouvelle conqueste des Indes [1] . Voilà des choses communes à tous et à peu près pareilles.

Venons aux differences et advantages des uns sur les autres. L’homme est singulier et excellent en aucunes choses par dessus les animaux : et en d’autres les bestes ont le dessus, affin que toutes choses soyent ainsi entrelassées et enchaînées en ceste generalle police du monde et de nature. Les advantages certains de l’homme sont les grandes facultés de l’ame, la subtilité, vivacité et suffisance d’esprit à inventer, juger, choisir : la parole pour demander et offrir ayde et secours, la main pour executer ce que l’esprit aura de soy inventé, et apprins d’autruy. La forme aussi

  1. Allusion aux chiens que les Espagnols dressaient à la chasse des malheureux américains.