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LIVRE I, CHAPITRE XXXV.


qu’il chemine droictement et egalement avec les autres animaux, qu’il ne le faict pas avec l’homme son compagnon, ny avec Dieu, comme se monstrera [1] ? Elle [2] est aussi fort difficile à faire : car comment peust l’homme cognoistre les bransles internes et secrets des animaux, ce qui se remue au dedans d’eux ? Or estudions à la faire sans passion.

Premierement la police du monde n’est point si fort inegale, si difforme et desreiglée, et n’y a point si grande disproportion entre ses pieces : celles qui s’approchent et se touchent, se ressemblent peu plus, peu moins. Ainsi y a-il un grand voisinage et cousinage entre l’homme et les autres animaux. Ils ont plusieurs choses pareilles et communes ; et ont aussi des différences, mais non pas si fort eslongnées et dispareillées, qu’elles ne se tiennent : l’homme n’est du tout au dessus, ny du tout au dessoubs : tout ce qui est soubs le ciel, dict la sagesse de Dieu, court mesme fortune.

Parlons premierement des choses qui leur sont communes, et à peu près pareilles, qui sont engendrer, nourrir, agir, mouvoir, vivre, mourir : Idem interitus hominis et jumentorum : et æqua utriusque condito [3]. Et ce sera contre ceux qui se plaignent, disans

  1. Comme on le verra plus lois.
  2. Cette comparaison de l'homme avec les animaux.
  3. « La mort de l'homme et celle des bêtes de somme sont pareilles, et leur condition est égale ». Eccles. C. III.