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DE LA SAGESSE,


grès ; elle saisit et tue, on s'exprime par des plaintes et des larmes.

Exemples : Niobé. — Les Thraces. — Les loirs romaines. — Niobé encore. — Le peintre du sacrifice d'Iphigénie.

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TRISTESSE est une langueur d'esprit et un descouragement engendré par l’opinion que nous sommes affligez de grands maux : c’est une dangereuse ennemie de nostre repos qui flestrit incontinent nostre ame si nous n’y prenons garde, et nous oste l’usage du discours, et le moyen de pourvoir à nos affaires, et, avec le temps, enrouille et moisist l’ame, abatardist tout l’homme, endort et assoupist sa vertu, lorsqu’il se faudroit esveiller pour s’opposer au mal qui le meine et le presse. Mais il faudroit descouvrir la laideur et folie, et les pernicieux effects, voire l’injustice qui est en ceste passion couarde, basse et lasche, affin d’apprendre à la hayr et fuyr de toute sa puissance, comme très indigne des sages, selon la doctrine des stoïciens. Ce qui n’est pas du tout tant aisé à faire, car elle s’excuse et se couvre de belles couleurs, de nature, pieté [1], bonté, voire la pluspart du monde tasche à l’honorer et favoriser : ils en habillent la sagesse, la vertu, la conscience.

  1. On a remarqué que les jeunes gens dévots sont tous tristes, moroses et ennuyeux, tandis que ceux qui ont une longue habitude de la piété, sont souvent gais et aimables.