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LIVRE I, CHAPITRE XXIII.


de voyr que cacher, d'ouyr et sçavoir que c'est que le parler bas, et faire la petite bouche ; c'est donner goust et apporter estime aux choses que les traitter mysterieusement, retenüement, avec respect et pudeur. Au rebours, une lache, facile, toute libre et ouverte permission et commodité affadist, oste le goust et la pointe.

Cette action donc en soy et simplement prinse n’est poinct honteuse ny vitieuse, puisque naturelle et corporelle, non plus que les autres pareilles actions. Mais ce qui la faict tant descrier, est que très rarement y est gardée moderation, et que, pour se faire valoir et parvenir à ses exploicts, elle faict de grands remuemens, se sert de très mauvais moyens, et entraîne après, ou bien faict marcher devant, grande suite de maux, tous pires que l’action voluptueuse : les despens montent plus que le principal ; c’est pescher, comme l’on dict, en filets d’or et de pourpre. Et tout cela est purement humain ; les bestes, qui suivent la simple nature, sont nettes de tout ce tracas : mais l’art humain, d’une part, en faict un grand guare-guare [1] ; plante à la porte la honte pour en desgouter ; d’autre part, (ô la piperie) y eschauffe et esguise l’envie, invente, remue, trouble, et renverse

  1. Gare-gare.