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LIVRE I, CHAPITRE XXIII.


part, nous pousse avec violence à ceste action : tout le mouvement du monde se resoult et se rend à cet accouplage de masle et de femelle, et, d’autre part, nous laisse accuser, cacher, et rougir pour icelle, comme insolente, deshonneste. Nous l’appellons honteuse ; et les parties qui y servent, honteuses. Pourquoy donc tant honteuse, puis que tant naturelle, et (se tenant en ses bornes [1]) si juste, legitime, necessaire, et que les bestes sont exemptes de cette honte ? Est-ce à cause de la contenance qui semble laide ? Pourquoy laide, puis que naturelle ? au pleurer, rire, mascher, baailler, le visage se contrefaict encores plus. Est-ce pour servir de bride et d’arrest à une telle violence ? Pourquoy donc nature cause-elle telle violence ? Mais c’est au contraire, la honte sert d’aiguillon et d’allumette, comme se dira. Est-ce que les instrumens d’icelle se remuent sans nostre consentement, voire contre nostre volonté ? Pour ceste raison aussi les bestes en devroient avoir honte ; et tant d’autres choses se remuent de soy-mesmes en nous sans nostre consentement, qui ne sont vitieuses ny honteuses, non seulement internes et cachées, comme le pouls et mouvement du cœur, arteres, poulmons, les outils et parties qui servent à l’appetit du manger, boire, descharger le cerveau, le ventre, et sont

  1. Quand elle se renferme dans les bornes prescites par les lois.