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DE LA SAGESSE,


son ame en mille tourmens et traverses qu’ameine ceste passion amoureuse des biens, et s’empescher aux filets et cordages du maling, comme les appelle l’escriture saincte, qui les descrie fort, les appellant iniques, espines, larron du cœur humain, lacqs et filets du diable, idolatrie, racine de tous maux. Et certes qui verroit aussi bien la rouille des ennuis qu’engendrent les richesses dedans les cœurs, comme leur esclat et splendeur, elles seroient autant hayes, comme elles sont aymées. Desunt inopine multa, avaritiæ omnia : in nullum avarus bonus est, in se pressimus [1].

C’est une autre contraire passion vitieuse de hayr et rejetter les biens et richesses, c’est refuser les moyens de bien faire, et pratiquer plusieurs vertus, et la peine, qui est beaucoup plus grande, à bien commander et user des richesses que de n’en avoir point, se gouverner bien en l’abondance qu’en la pouvreté [2]. En ceste-cy n’y a qu’une espece de vertu, qui est ne ravaller poinct de courage, mais se tenir ferme. En l’abondance y en a plusieurs, temperance, moderation, liberalité, diligence, prudence, etc. Là

  1. « Beaucoup de choses manquent à l'indigence, tout manque à l'avarice ; l'avare n'est bon pour personne, il est très-mauvais pour lui-même ».
  2. Variantes. Qui ne sçait qu'il y a beaucoup plus à faire à bien commander et user des richesses que de n'en avoir point, se gouverner bien en l'abondance qu'en la pouvreté.