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LIVRE I, CHAPITRE XXI.


qu’il faut estre par-tout homme de bien, et perpetuellement obeyr aux loix, sauf au poinct de regner, qui seul merite dispense, estant un si friant morceau, qu’il vaut bien que l’on en rompe son jeusne : Si violandum est jus, regnandi causâ violandum est, in cœteris pietatem colas [1].

Elle foule et mesprise encore la reverence et le respect de la religion, tesmoin Hieroboam [2], Mahumet, qui ne se soucie et permet toute religion, mais qu’il regne [3] : et tous les heresiarches, qui ont mieux aymé estre chefs de part en erreur et menterie, avec mille desordres, qu’estre disciples de verité : dont a dict l’apostre, que ceux qui se laissent embabouiner à ceste passion et cupidité, font naufrage et s’esgarent de la foy, et s’embarrassent en diverses peines.

Bref elle force et emporte les propres loix de nature ; les meurtres de parens, enfans, freres, sont venus de là ; tesmoin Absalon, Abimelech, Athalias, Romulus ; Seï, roi des perses, qui tua son pere et son frere ; Soliman, Turc, ses deux freres. Ainsi rien ne peust resister à la force de l’ambition, elle met tout par terre ; aussi est-elle hautaine, ne loge qu’aux grandes ames, voire aux anges.

  1. « S'il faut violer la loi, il faut violer pur régner ; en toute autre chose respectez-la religieusement » Suét.
  2. Jeroboam, Mahomet.
  3. Qui ne se soucie d'aucune religion, et les permet toutes, pourvu qu'il règne.