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DE LA SAGESSE,


subjects, et de diverses sortes et degrés. Il y en a trois principaux, ausquels tous se rapportent (nous parlons du vitieux et passionné ; car du vertueux, qui est amitié, charité, dilection, sera parlé en la vertu de la justice) ; sçavoir l’ambition ou superbe, qui est l’amour de grandeur et honneur ; l’avarice, amour des biens ; et l’amour voluptueux et charnel. Voilà les trois goulphes [1] et precipices d’où peu de gens se sauvent, les trois pestes et corruptions de tout ce qu’avons en maniement, esprit, corps et biens ; les armeures des trois capitaux ennemis du salut et repos humain, le diable, la chair, le monde. Ce sont à la verité trois puissances, les plus communes et universelles passions, dont l’Apostre a party en ces trois tout ce qui est au monde : Quidquid est in mundo, est concupiscentia oculorum, aut carnis, aut superbia vitœ [2]. L’ambition, comme spirituelle, est plus noble et hautaine que les autres. L’amour voluptueux, comme plus naturel et universel (car mesme aux bestes où les autres ne se trouvent point), il est plus violent et moins vitieux ; je dis violent tout simplement, car quelquesfois l’ambition l’emporte : mais c’est une maladie particuliere ; l’avarice est la plus sotte et maladive de toutes.

  1. Gouffres.
  2. « Tout ce qui est dans le monde est ou concupiscence des yeux, ou concupiscence de la chair, ou orgueil de la vie  ». Ep. de St.-Jean, ch. II, v. 16.