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DE LA SAGESSE,

Secondement pour le regard du vice, desreiglement et injustice qui est en ses passions, nous pouvons à peu près comparer l’homme à une republique, et l’estat de l’ame à un estat royal, auquel le souverain, pour le gouvernement de tant de peuples, a des magistrats, auxquels, pour l’exercice de leurs charges, il donne loix et reiglemens, se reservant la cognoissance des plus grands et importans accidens. De cest ordre depend la paix et prosperité de l’estat : au contraire, si les magistrats, qui sont comme mitoyens entre le prince et le peuple, se laissent tromper par facilité, ou corrompre par faveur, et que, sans deferer à leur souverain, et aux loix par luy establies, ils employent leur authorité à l’execution des affaires, ils remplissent tout de desordre et confusion. Ainsi en l’homme l’entendement est le souverain, qui a soubs soy une puissance estimative et imaginative comme un magistrat, pour cognoistre et juger, par le rapport des sens, de toutes choses qui se presenteront, et mouvoir nos affections pour l’execution de ses jugemens. Pour sa conduicte et reiglement en l’exercice de sa charge, la loy et lumiere de nature luy a esté donnée : et puis il a moyen en tout doubte de recourir au conseil de son superieur et souverain, l'entende-

    gardent un stupide silence ». Sen. Hipp. act. II, sc. III, v. 604. Voyez dans notre Montaigne (L. I, c. II, p. 14), comment Corneille a traduit ce vers.