ces mouvemens, et comment ils naissent
et s’eschauffent en nous ; ce que l’on peust
representer par divers moyens et comparaisons,
premierement pour le regard de leur
esmotion et impetuosité. L’ame, qui n’est
qu’une au corps, a plusieurs et très diverses
puissances, selon les divers vaisseaux où elle
est retenue, instrumens desquels elle se sert,
ès objects qui luy sont proposés. Or, quand les
parties où elle est enclose ne la retiennent et
occupent qu’ à proportion de leur capacité,
et selon qu’il est necessaire pour leur droict
usage, ses effects sont doux, benins et bien
reiglés : mais quand au contraire ses parties
prennent plus de mouvement et de chaleur
qu’il ne leur en faut, elles s’alterent et
deviennent dommageables ; comme les rayons
du soleil, qui, vaguans à leur naturelle liberté,
eschauffent doucement et tiedement ; s’ils
sont recueillis et remis au creux d’un miroir
ardent, bruslent et consument ce qu’ils avoient
accoustumé de nourrir et vivifier. Au reste elles
ont divers degrés en leur force et esmotion,
et sont en ce distinguées par plus et moins : les
mediocres se laissent gouster et digerer,
s’expriment par paroles et par larmes ; les grandes
et extremes estonnent toute l’ame, l’accablent
et luy empeschent la liberté de ses actions :
- Curæ leves loquuntur, ingentes stupent[1].
- ↑ « Les douleurs légères s'exhalent en paroles, les grandes