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LIVRE I, CHAPITRE XVII.


les choses secrettes et à venir, et cause les enthousiasmes, les predictions et merveilleuses inventions, et ravit en extase ; reellement tue et faict mourir, tesmoin celui à qui l’on desbanda les yeux pour luy lire sa grace, et fust trouvé roide mort sur l’eschafaut. Bref c’est d’elle que vient la pluspart des choses que le vulgaire appelle miracles, visions, enchantemens. Ce n'est pas toujours le diable [1] ou esprit familier, comme incontinent l'ignorant pense, quand il ne peust trouver le ressort de ce qu'il voyt, ni aussi tousjours l'esprit de Dieu (à ces mouvemens surnaturels on ne touche point ici) ; mais le plus souvent c'est l'effect de l'imagination, ou celle de l'agent qui dict et faict telles choses, ou du patient et spectateur qui pense voyr ce qui n'est point : ce qui est requis en tel cas, et qui est excellent, est de sçavoir prudemment discerner quel ressort joue, naturel ou surnaturel, vray ou fauls, discretio spirituum [2], et ne precipiter son jugement comme faict la pluspart mesmes populaires [3] qui n'en ont gueres.

En cette partie et faculté se tient et loge

  1. Variante. Ce n'est point le diable ny l'esprit, comme il pense ; mais c'est l'effect de l'imagination ou de celle de l'agent qui faict telles choses, ou du patient et spectateur qui pense voyr ce qu'il ne voyt point.
  2. « Le discernement des esprits. »
  3. Des gens du peuple.