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LIVRE I, CHAPITRE XV.


les autres non : les seconds sont excusables et pardonnables : les troisiesmes sont accusables et punissables, qui souffrent un tel desordre chez eux, que ceux qui devoient recevoir la loy, entreprennent de la donner.

Il y a d’autres defauts qui luy sont plus naturels et internes, car ils naissent de luy et dedans luy : le plus grand et la racine de tous les autres est l’orgueil et la presomption (premiere et originelle faute du monde, peste de tout esprit, et cause de tous maux), par laquelle l’on est tant content de soy, l’on ne veust ceder à autruy, l’on desdaigne ses advis, l’on se repose en ses opinions, et l’on entreprend de juger et condamner les autres, et encore celles que l’on n’entend pas. L’on dict bien vray que le plus beau et heureux partage que Dieu aye faict, est du jugement ; car chascun se contente du sien, et en pense avoir assez. Or ceste maladie vient de la mescognoissance de soy : nous ne sentons jamais assez au vray la foiblesse de nostre esprit : ainsi la plus grande maladie de l’esprit, c’est l’ignorance, non pas des arts et sciences et de ce qui est dedans les livres, mais de soy-mesme, à cause de quoy ce premier livre a esté faict.