Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/190

Cette page n’a pas encore été corrigée
134
DE LA SAGESSE,


vertus : s’il est ennemy ou particulier, ou de party contraire, il n’y a rien de bon. Tellement que nous faisons honte à nostre jugement, pour assouvir nos passions. Mais cecy va bien encore plus loin ; car la pluspart des impietés, heresies, erreurs en la creance et religion, si nous y regardons bien, est née de la mauvaise et corrompue volonté, d’une passion violente et volupté, qui puis attire à soy l’entendement mesme, sedit populus manducare et bibere, etc... Quod volt, non quod est, credit qui cupit errare [1] : tellement que ce qui se faisoit au commencement avec quelque scrupule et doubte, a esté puis tenu et maintenu pour une verité et revelation du ciel : ce qui estoit seulement en la sensualité a prins place au plus haut de l’entendement : ce qui n’estoit que passion et volupté a esté faict creance religieuse et article de foy, tant est forte et dangereuse la contagion des facultés de l’ame entre elles. Voylà trois causes externes des fautes et mescomptes de l’esprit, jugement et entendement humain ; le corps, mesmement la teste malade, ou blessée, ou mal faicte : le monde avec ses opinions anticipées et suppositions ; le mauvais estat des autres facultez de l’ame raisonnable, qui luy sont toutes inferieures. Les premiers defaillans sont pitoyables, et aucuns d’iceux sont curables :

  1. « Le peuple cesse de boire et de manger, etc. Celui qui veut errer, croit ce qu'il souhaite et non ce qui est ».