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DE LA SAGESSE,


et en particulier les hommes d’une commune suffisance sont plus gens de bien, meilleurs citoyens ; sont plus souples, et font plus volontiers joug aux loix, aux superieurs, à la raison, que ces tant vifs et clair-voyans, qui ne peuvent demourer en leur peau : l’affinement des esprits n’est pas l’assagissement.

L’esprit a ses maladies, ses defauts et ses tares [1] aussi bien que le corps, et beaucoup plus, et plus dangereux et plus incurables ; mais, pour les cognoistre, il les faut distinguer : les uns sont accidentaux, et qui luy arrivent d’ailleurs. Nous en pouvons remarquer trois causes : la disposition du corps, car les maladies corporelles qui alterent le temperament, alterent aussi tout manifestement l’esprit et le jugement ; ou bien la substance du cerveau et des organes de l’ame raisonnable est mal composée, soit dès la premiere conformation, comme en ceux qui ont la teste mal faicte, toute ronde, ou trop petite, ou par accident de heurt ou blessure.

La seconde est la contagion universelle des opinions populaires et erronées receues au monde, de laquelle l’esprit prevenu et atteinct, ou, qui pis est, abbreuvé et coiffé de quelques opinions fantasques, va tousjours et juge selon cela, sans regarder plus avant ou reculer en arriere : or tous les esprits n’ont

  1. Ses déchets, ses faiblesses.