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LIVRE I, CHAPITRE XV.


de religions, loix, coustumes, sciences, preceptes, menaces, promesses mortelles et immortelles ; encore voyt-on que par sa desbauche il franchist tout, il eschappe à tout, tant il est de nature revesche, fier, opiniastre, dont le faut mener par artifice : l’on ne l’aura pas de force, naturâ contumax est animus humanus, in contrarium atque arduum nitens, sequiturque faciliùs quàm ducitur, ut generosi et nobiles equi melius facili freno reguntur [1]. Il est bien plus seur de le mettre en tutelle, et le coucher, que le laisser aller à sa poste [2] : car s’il n’est bien né, bien fort et bien reiglé, comme ceux de la plus haute classe qu’avons dict cy-dessus, ou bien foible, mol, et mousse, comme ceux de la plus basse marche, certes il se perdra en la liberté de ses jugemens : parquoy il a besoing d’estre retenu, plus besoin de plomb que d’aisles, de bride que d’esperon : à quoy principalement ont regardé les grands legislateurs et fondateurs d’estats : les peuples fort mediocrement spirituels vivent en plus de repos que les ingenieux. Il y a eu plus de troubles et seditions en dix ans en la seule ville de Florence, qu’en cinq cens ans aux païs des Suysses et Grisons ;

  1. « L'esprit humain est, de sa nature, opiniâtre ; il tend toujours avec effort à tout ce qui lui résiste ou lui oppose des difficultés ; il suit plus facilement qu'il n'est conduit, semblable à ces courriers nobles et généreux, qui n'obéissent qu'à un frein doux et facile ». Senec.
  2. A son gré, à sa fantaisie.