Page:Charron - De la sagesse, trois livres, tome I, 1827.djvu/182

Cette page n’a pas encore été corrigée
126
DE LA SAGESSE,


plus commune et naturelle, est la verité où tend sa queste et sa poursuitte. Il n’est desir plus naturel que le desir de cognoistre la verité. Nous essayons tous les moyens que nous pensons y pouvoir servir : mais enfin tous nos efforts sont courts ; car la verité n’est pas un acquest, ny chose qui se laisse prendre et manier, et encore moins posseder à l’esprit humain. Elle loge dedans le sein de Dieu, c’est là son giste et sa retraicte : l’homme ne sçait et n’entend rien à droict, au pur et au vray comme il faut, tournoyant tousjours, et tastonnant à l’entour des apparences, qui se trouvent par tout aussi bien au fauls qu’au vray : nous sommes nais à quester [1] la verité : la posseder appartient à une plus haute et grande puissance. Ce n’est pas à qui mettra dedans, mais à qui fera de plus belles courses. Quand il adviendroit que quelque verité se rencontrast entre ses mains, ce seroit par hasard ; il ne la sçauroit tenir, posseder ny distinguer du mensonge. Les erreurs se reçoivent en nostre ame par mesme voye et conduicte que la verité ; l’esprit n’a pas de quoy les distinguer et choisir : autant peust faire le sot que le sage, celuy qui dict vray, comme celuy qui dict fauls : les moyens qu’il employe pour la descouvrir, sont raison et experience, tous deux très foibles, incertains, divers, on-

  1. Nés pour chercher la vérité.