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LIVRE I, CHAPITRE XV.


en la vie en mesme estat ; des objects qui sont infinis, de l’air mesme et serenité du ciel :


Tales sunt hominum mentes, quali pater ipse
Juppiter, auctifera lustravit terras[1],


et de toutes choses externes ; internement, des secousses et bransles que l’ame se donne elle-mesme par son agitation, et meue par ses propres passions ; aussi qu’elle regarde les choses par divers visages, car tout ce qui est au monde a divers lustres et diverses considerations. C’est un pot à deux anses, disoit Epictete ; il eust mieux dict à plusieurs.

Il advient de là qu’il s’empestre en sa besongne, comme les vers de soye [2], il s’embarrasse : car comme il pense remarquer de loin je ne sçay quelle apparence de clarté et verité imaginaire, et y veust courir, voyci tant de difficultez qui luy traversent la voye, tant de nouvelles questes l’esgarent et l’enyvrent.

Sa fin à laquelle il vise est double : l’une, plus

  1. « Les esprits des hommes sont une émanation de cette même lumière dont Jupiter éclaire la terre ». Lucret
  2. C'est ainsi qu'on lit dans la première édition, et dans celle de Bastien qui l'a suivie. On a mis dans celle de Frantin, les vers à soie. Pour moi, je n'ai pas osé rajeunir, ici ni ailleurs, le style de l'auteur ; et je l'aurais d'autant moins fait en cette occasion, qu'il me semble que Charron veut dire que l'homme s’empêtre en sa besogne, comme le vers s'empetre de soie.