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LIVRE I, CHAPITRE XV.


doibt estre violenté ; car ceste trop grande contention d’esprit trop bandé, tendu et pressé, le rompt et le trouble.

Il est aussi universel qui se mesle par-tout ; il n’a poinct de subject ny de ressort limité ; il n’y a chose où il ne puisse jouer son roolle, aussi bien aux subjects vains et de neant, comme aux nobles et de poids, et en ceux que nous pouvons entendre, que ceux que nous n’entendons : car recognoistre que l’on ne le peust entendre ny penetrer au dedans, et qu’il faut demeurer au bord et à l’escorce, c’est très beau traict de jugement ; la science, voire la verité, peuvent loger chez nous sans jugement, et le jugement sans elles ; voire recognoistre son ignorance, c’est un beau tesmoignage de jugement.

Tiercement, il est prompt et soudain, courant en un moment d’un bout du monde à l’autre, sans arrest, sans repos, s’agitant, penetrant et perçant par-tout : Nobilis et inquieta mens homini data est : numquam se tenet, spargitur vaga, quietis impatiens, novitate rerum lætisima : non mirum, ex illo cælesti spiritu descendit, cœlestium autem natura semper in motu est [1]. Cette si grande soudaineté et vîtesse, ceste poincte

  1. « Un esprit noble et inquiet a été donné à l'homme : ne sachant point s’arrêter, il erre sans cesse, impatient du repos, et ne se plaît que dans la nouveauté. Faut-il s'en étonner ? Il émane de l'esprit divin, et la nature des esprits célestes est toujours d’être en mouvement. »