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DE LA SAGESSE,


du corps ? Ces accidens purement corporels ne peuvent toucher n’y arriver à cette haute faculté spirituelle de l’ame raisonnable, mais seulement aux organes et instrumens, lesquels estant detraqués et desbauchés, l’ame ne peust bien et reiglement agir, et estant par trop forcée et violentée, est contraincte de s’absenter et de s’en aller. Au reste, se servir d’instrument ne prejudicie point à l’immortalité ; car Dieu s’en sert bien, et y accommode ses actions. Et comme selon la diversité de l’air, région et climat, Dieu produict les hommes fort divers en esprit et suffisance naturelle, car en Grece et en Italie il les produict bien plus ingenieux qu’en Moscovie et Tartarie : aussi l’esprit, selon la diversité les dispositions organiques, des instrumens corporels, raisonne mieux ou moins. Or l’instrument de l’ame raisonnable, c’est le cerveau et le temperament d’iceluy, duquel nous avons à parler.

Temperament est la mixtion et proportion des quatre premières qualités, chaud, froid, sec et humide ; ou bien une cinquiesme resultante, comme l’harmonie de ces quatre. Or, du temperament du cerveau vient et depend tout l’estat et l’action de l’ame raisonnable ; mais ce qui cause et apporte une grande misere à l’homme, est que les trois facultés de l’ame raisonnable, entendement, memoire, imagination, requierent et s’exercent par temperamens contraires. Le temperament qui sert et est propre à l’entendement est