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VIE DE CHARRON.


coordonnées, classées dans un ordre méthodique. L'un écrivait sans plan, et peut-être sans but ; il retraçait, comme elles se présentaient, toutes les idées que lui fournissait sa vive et féconde imagination : l’autre, plus sérieux et plus froid, n’employait d’idées et d’images que ce qu’il en fallait pour résoudre le problème qu’il s’était proposé. Celui-là composait moins pour le public que pour son propre délassement ; l’autre était un auteur de profession.

Mais ce serait une grande erreur de croire, ainsi que des écrivains qui n’ont pas lu le Traité de la Sagesse avec toute l’attention que l’ouvrage exige , que Charron n’a fait que mettre en œuvre les pensées d’autrui ; qu’il a tout emprunté de Plutarque, de Sénèque et de Montaigne. Charron est souvent original et jamais bizarre ; mais, au reste, ce n’est pas dans un livre de morale et de sagesse qu’il faut demander de l’originalité : la précision et la clarté sont bien préférables et ces deux qualités, notre auteur les possédait à un degré éminent. Qui, mieux que lui, a défini les diverses espèces de gouvernemens, indiqué les avantages ou les vices de la plupart des institutions sociales ? Qui a mieux parlé, après Montaigne, de l’éducation des enfans ? Quand il retrace le danger des passions, le bonheur que procurent la modération et la sagesse, son style est nerveux, vif, animé : on croit lire Sénèque.

Concluons que tout esprit impartial doit rester convaincu qu’après les Essais de Montaigne, le Traité de la Sagesse est le plus précieux monument philosophique que nous ait laissé le dix-septième siècle.

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