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LIVRE I, CHAPITRE XII.


inquietum malum, plena veneno mortifero [1]Mars illius, mors nequissima ; et utilis potius infernus quàm illa [2]

Or ces deux, l’ouye et la parole, se respondent et rapportent l’une à l’autre, ont un grand cousinage ensemble ; l’un n’est rien sans l’autre, comme aussi par nature, en un mesme subject l’un n’est pas sans l’autre. Ce sont les deux grandes portes par lesquelles l’ame faict tout son trafficq, et a intelligence par tout ; par ces deux les ames se versent les unes dedans les autres, comme les vaisseaux en appliquant la bouche de l’un à l’entrée de l’autre. Que si ces deux portes sont closes comme aux sourds et muets, l’esprit demeure solitaire et miserable : l’ouye est la porte pour entrer ; par icelle l’esprit reçoit toutes choses de dehors, et conçoit comme la femelle : la parole est la porte pour sortir ; par icelle l’esprit agist et produict comme masle. Par la communication de ces deux, comme par le choc et heurt roide des pierres et fers, sort et saille le feu sacré de verité : car, se frottans et limans l’un contre l’autre, ils se desrouillent, se purifient et s’esclaircissent, et toute cognoissance vient

  1. « La langue est un feu, un monde d'iniquités, un mal qui tourmente ; elle est pleine d'un venin mortel ». Jacob. Ep. III, C. III, V. 6 et 8.
  2. « La mort qu'elle cause est une mort très-malheureuse, et le tombeau vaut encore mieux ». Eccl. C. XXVIII, V. 25.