Puis vient celuy du parler, mais en
recompense l’ouye a plusieurs grands advantages.
Pour le service du corps, la veue est
beaucoup plus necessaire. Dont il [1] importe bien
plus aux bestes que l’ouye : mais pour l’esprit,
l’ouye tient le dessus. La veue sert bien à
l’invention des choses, qui par elle ont esté
presque toutes descouvertes ; mais elle ne
meine rien à perfection : dadvantage la veuë
n’est capable que des choses corporelles et
d’individus, et encore de leur crouste et superficie
seulement ; c’est l’outil des ignorans et
imperites, qui moventur ad ib quod adest, quodque prœsens est
[2].
L’ouye est un sens spirituel ; c’est l’entremetteur et l’agent de l’entendement, l’outil des sçavans et spirituels, capable non seulement des secrets et interieurs des individus, à quoy la veue n'arrive pas ;
- ↑ Il se rapporte à l'oeil nommé dans les phrases qui précèdent médiatement celle où il est question de la vue, à laquelle ce pronom devrait se rapporter : l'auteur a suivi la construction logique ou mentale, au lieu de construction grammaticale. Ce qui arrive souvent aussi à Montaigne, son contemporain et son modèle.
- ↑ « Qui se meuvent vers de qui est devant eux, vers ce qui est présent. »
cienne mythologie : les 120 (= 12 x 10), maladies de l’œil, sont peut-être la même allégorie que celle des douze travaux d'Hercule ou du soleil, œil du monde, dans les douze signes du Zodiaque. Par conséquent ce nombre est imaginaire, et cette croyance superstitieuse comme d'autres.