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LIVRE I, CHAPITRE XI.

Aucuns [1] essayent de rendre raison de ce nombre des cinq sens, et prouver la suffisance d’iceux en les distinguant et comparant diversement. Les choses externes, objects des sens, sont tout près du corps, ou eslongnées ; si [2] tout près, mais qui demeurent dehors, c’est l’attouchement ; s’ils entrent, c’est le goust ; s’ils sont plus eslongnez et presens en droicte ligne, c’est la veue ; si obliques et par reflexion, c’est l’ouye. On pourroit mieux dire ainsi que ces cinq sens estans pour le service de l’homme entier, aucuns sont entierement pour le corps, sçavoir le goust et l’attouchement, celuy-là pour ce qui entre, cestuy-ci pour ce qui demeure dehors. Autres premierement et principalement pour l’ame, la veue et l’ouye : la veue pour l’invention, l’ouye pour l’acquisition et communication, et un au milieu pour les esprits mitoyens et liens de l’ame et du corps, qui est le fleurer [3]. Plus, ils respondent aux quatre elemens et leurs qualités ; l’attouchement à la terre ; l’ouye à l’air ; le goust à l’eau et humide ; le fleurer au feu ; la veue

  1. Quelques-uns.
  2. Si elles sont tout près.
  3. Fleurer pour flairer. La Ire édition écrit toujours fleurer. Dans les éditions suivantes où plusieurs mots ont été rajeunis, au moins pour l'orthographe, on trouve tantôt flairer, tantôt fleurer. Peut-être il eut été bon de conserver l'ancienne manière d'écrire : elle eut du moins prouvé l'origine de notre mot flairer.