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LIVRE I, CHAPITRE VIII.


caments narcotiques, stupefiants et endormissants. Ou de la force de l’imagination, qui s’efforce et se bande par trop en quelque chose, et emporte toute la force de l’ame. Or, en ces trois genres d’extase et ravissement,divin, demoniacle, humain, la question est, si l’ame est vrayement et realement séparée du corps, ou si demeurant en iceluy, elle est tellement occupée à quelque chose externe qui est hors son corps, qu’elle oublie son propre corps, dont il advient une sur seance et vacation de ses actions et exercice de ses fonctions. Quant à la divine, l’apostre parlant de soy et de son propre faict, n’en ose rien definir, si incorpore vel extra corpus nescio, Deus scit [1], instruction qui devroit servir pour tous autres, : et pour les autres abstractions moindres. Quant à la demoniacle, ne sentir de si grands coups, et rapporter ce qui a esté faict à deux ou trois cents lieues de là, sont deux grandes et violentes conjectures, mais non du tout necessaires ; car le demon peut tant amuser l’ame et l’occuper’au dedans, qu’elle n’aye aucune action ny commerce avec son corps, pour quelque temps, et cependant l’affoler et lui représenter en l’imagination tellement ce qui a esté faict loing de là, qu’elle le puisse bien conter : car d’affirmer que certainement l’ame entiere sorte et abandonne son corps, le-

  1. « Si c’est en corps ou sans corps, je n’en sais rien, Dieu seul le sait ». S. Paul. Ep. II, aux Corinth, C. XIIx, v. 2.