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DE LA SAGESSE,


et accroit : ce qu’estant faict, cette energie et forme seminale s’esvanouit et se perd, et par ainsi la semence cesse d’estre semence, perdant sa forme par l’arrivée d’une autre plus noble, qui est l’ame humaine, laquelle faict que ce qui estoit semence ou embryon ne l’est plus, mais est homme.

Estant entrée au corps, faut sçavoir de quel genre et sorte est son existence en iceluy, quelle, et comment elle y faict sa residence. Aucuns philosophes empeschés à le dire, et à bien joindre et unir l’ame avec le corps, la font demeurer et résider en iceluy comme un maistre en sa maison, le pilote en son navire, le cocher en son coche : mais c’est tout destruire, car ainsi ne seroit-elle point la forme ny partie interne et essentielle de l’animal, ou de l’homme, elle n’auroit besoing des membres du corps pour y demeurer, ne se sentiroit en rien de sa contagion, mais seroit une substance toute distincte du corps, subsistant de soy, qui pourroit a son plaisir aller et venir, et se séparer du corps sans distinction d’iceluy, et sans diminution de toutes ses fonctions, qui sont toutes absurdités : l’ame est au corps comme la forme en la matière, estendue et respandue par tout iceluy donnant vie, mouvement, sentiment, à toutes ses parties, et tous les deux ensemble ne font qu’une hypostase, un subject entier, qui est l’animal, et n’y a point de milieu qui les noue et lie ensemble ; car entre la matière et la forme, il n’y a aucun milieu, ce