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LIVRE I, CHAPITRE VIII.


neroit aussi de rechef exercer ses facultés vegetative et sensitive, comme se voit aux ressuscités pour vivre icy bas, non aux ressuscités pour vivre ailleurs, car tels corps n’ont que faire pour vivre de l’exercice de telles facultés. Tout ainsi que le soleil ne manque pas, ains demeure en soy tout mesme et entier ; encores que durant une pleine eclipse, il n’esclaire ny eschaufe, et ne face ses autres effects aux lieux subjects à icelle.

Ayant demonstré l’unité de l’ame en chasque subject, voyons d’où elle vient, et comment elle entre au corps. L’origine des ames n’est pas tenue pareille de tous, j’entends des humaines ; car la vegetative et sensitive des plantes et des bestes, est par l’advis de tous, toute materielle, et en la semence, dont aussi est-elle mortelle ; mais de l’ame humaine, il y a eu quatre opinions célébrés. Selon la première, qui est des Stoïciens, tenue par Philon, juif, puis par les Manichéens, Priscillianistes, et autres : elle est extraitte et produite comme parcelle de la substance de Dieu, qui l’inspire au corps, prenant à leur advantage les paroles de Moyse, inspiravit in faciem ejus spiraculum vitte [1]. La seconde, tenue par Tertullien, Apollinaris, les Luciferiens, et autres Chrestiens, dict qu’elle vient et derive des ames des parens avec la semence, à la façon des ames brutales. La troisiesme des Pythagori-

  1. « Il souffla sur sa face l’esprit de vie. « Gen. C. II, 188.