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LIVRE I, CHAPITRE VIII.


puissant à peindre : mais si les facultés périssent, il faut que l’ame s’en aille, ne plus ny moins que le feu n’est plus, ayant perdu la faculté de chaufer.

Après l’essence et nature de l’ame aucunement expliquée, il se présente ici une question des plus grandes, sçavoir si en l’animal, spécialement en l’homme, il n’y a qu’une ame, ou s’il y en a plusieurs. Il y a diversité d’opinions, mais qui reviennent à trois. Aucuns des Grecs, et à leur suitte presque tous les Arabes, ont pensé (non seulement en chascun homme, mais generalement en tous hommes) n’y avoir qu’une ame immortelle : les Egyptiens pour la plus part ont tenu tout au rebours, qu’il y avoit pluralité d’ames en chascun, toutes distinctes, deux en chaque beste, et trois en l’homme, deux mortelles, végétative et sensitive, et la troisiesme intellective, immortelle. La tierce opinion, comme moyenne et plus suivie, tenue par plusieurs de toutes nations, est qu’il y a une ame en chaque animal sans plus : en toutes ces opinions il y a de la difficulté. Je laisse la première comme trop refutée et rejettée. La pluralité d’ames en chaque animal et homme, d’une part, semble bien estrange et absurde en la philosophie, car c’est donner plusieurs formes à une mesme chose, et dire qu’il y a plusieurs substances et subjects en un, deux bestes en une, trois hommes en un : d’autre part, elle facilite fort la créance de l’immortalité de l’intellectuelle ; car estans ainsi trois distinctes, il