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DE LA SAGESSE,


aussi bien à son tour, comme le corps de luy, et de ses passions : plus des qualités bonnes et mauvaises, vertus, vices, affections, qui sont tous accidens : et tous tant les séparés et demons que les humains sont subjects aux supplices et tourmens : ils sont donc corporels, car il n’y a rien de passible qui ne soit corporel, c’est au corps d’estre subject des accidens.

Or, l’ame a un très grand nombre de vertus et facultés, autant quasi que le corps a de membres : elle en a aux plantes, plus encores aux bestes, et plus beaucoup en l’homme, sçavoir, vivre, sentir, mouvoir, appeter, attirer, assembler, retenir, cuire, digérer, nourrir, croistre, rejetter, voir, oyr, gouster, flairer, parler, spirer, respirer, engendrer, penser, opiner, raisonner, contempler, consentir, dissentir, souvenir, juger ; toutes lesquelles choses ne sont point parties de l’ame, car ainsi elle seroit divisible, et seroit establie d’accidens, mais sont ses qualités naturelles. Les actions viennent après, et suivent les facultés, et ainsi sont trois degrés, selon la doctrine du grand sainct Denis, suivie de tous, qu’il faut considérer ès créatures spirituelles trois choses, essence, faculté, opération : par le dernier qui est l’action, l’on cognoist la faculté, et par celle-cy l’essence. Les actions peuvent bien estre empeschées et cesser du tout, sans prejudice aucun de l’ame et de ses facultés, comme la science et faculté de peindre demeure entiere au peintre, encores qu’il aye la main liée, et soit im-