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DE LA SAGESSE,


peust bien dire tout simplement que c'est une forme essentielle vivifiante, qui donne à la plante vie vegetative ; à la beste, vie sensitive, laquelle comprend la vegetative ; à l'homme, vie intellective, qui comprend


    Autres veulent qu’elle y entre toute entiere avec toutes ses facultés en un coup, sçavoir lors que le corps est tout organisé,formé et tout achevé d’estre faict, et qu’auparavant n’y a eu aucune ame, mais seulement une vertu et energie naturelle, forme essentielle de la semence, laquelle agissant par les esprits qui sont en ladite semence, comme par instrumens, forme et bastit le corps, et agence tous les membres ; ce qu’estant faict, ceste energie s’evanouit et se perd, et par ainsi la semence cesse d’estre semence, perdant sa forme par l’arrivée d’une autre plus noble, qui est l’ame humaine ; laquelle faict que ce qui estoit semence est maintenant homme.

    L’immortalité de l’ame est la chose la plus universellement, religieusement et plausiblement reçeue par tout le monde (j’entends d’une externe et publique profession, non d’une interne, serieuse et vraye creance, de quoy sera parlé cy-après), la plus utilement creue, la plus foiblement prouvée et establie par raisons et moyens humains (k). Il semble y avoir une inclination et disposition de nature à la croire, car l’homme desire naturellement allonger et perpetuer son estre, d’où vient aussi ce grand et furieux soin et amour de nostre posterité et succession. Puis deux choses servent à la faire valoir et rendre plausible : l’une est l’esperance de gloire et reputation, et le desir de l’immortalité du nom, qui, tout vain qu’il est, a un merveilleux credit au monde : l’autre est l’impression que les vices, qui se desrobent de la veue et cog-

    (k) Voyez ci-après, L. II, Chap. V.