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LIVRE I, CHAPITRE VIII.


fect et l'actionde l'ame, et non l'ame, comme le vivre, le voyr, l'entendre est l'action de l'ame : et puis il s'ensuivoit que l'ame seroit accident et non sub-


    vifs seroient plus ingenieux et plus sçavans ; et se voyt le contraire souvent, qu’ils ont l’esprit plus lourd et sont plus mal-habiles ; et plusieurs se sont privez à escient de l’usage d’iceux, affin que l’ame fist mieux et plus librement ses affaires. Et seroit chose honteuse et absurde, que l’ame tant haute et divine questast son bien des choses si viles et caduques, comme les sens ; car c’est au rebours que les sens ont tout de l’ame, et sans elle ne sont et ne peuvent rien. Et puis enfin que peuvent appercevoir les sens, sinon les accidens et superficies des choses ? Car les natures, formes, les thresors et secrets de nature, nullement.

    Mais on demandera, pourquoy donc ces choses ne se font-elles tousjours par l’ame ? Pourquoy ne faict-elle en tout temps ses propres fonctions, et que plus foiblement et plus mal elle les faict en un temps qu’autre ? L’ame raisonnable agit plus foiblement en la jeunesse qu’en la vieillesse ; et au contraire la vegetative, forte et vigoureuse en la jeunesse, est foible en la vieillesse, en laquelle elle ne peust refaire les dents tombées comme en la jeunesse. La raisonnable faict en certaines maladies ce qu’elle ne peust en santé, et au rebours en santé ce qu’elle ne peust en maladie. A quoy pour tout la response (touchée cy-dessus) est que les instrumens, desquels l’ame a besoin pour agir, ne sont ny ne peuvent tousjours estre disposez comme il faut pour exercer toutes fonctions, et faire tous effects, voyre ils sont contraires et s’entr’empeschent ; et, pour le dire plus court et plus clairement, c’est que le temperament du cerveau, duquel a esté tant parlé cy-dessus, par lequel et selon lequel l’ame agit, est divers