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DE LA SAGESSE,

Il est aisé à dire ce que ce n'est pas : que ce n'est pas feu, air, eau, ny le temperament des quatre elemens ou qualités, ou humeurs ; lequel est tousjours


    risprudence et theologie positive, cosmographie, arithmetique.

    De l’imagination y a plusieurs differences et en beaucoup plus grand nombre que de la memoire et de l’entendement ; à elle appartiennent proprement les inventions, les faceties et brocard, les poinctes et subtilités, les fictions et mensonges, les figures et comparaisons, la proprieté, netteté, elegance, gentillesse. Parquoy appartiennent à elle la poësie, l’eloquence, musique, et generallement tout ce qui consiste en figure, correspondance, harmonie et proportion.

    De tout cecy appert que la vivacité, subtilité, promptitude, et ce que le commun appelle esprit, est à l’imagination chaude ; la solidité, maturité, verité, est à l’entendement sec. L’imagination est active, bruyante ; c’est elle qui remue tout et met tous les autres en besongne. L’entendement est action morne et sombre. La memoire est purement passive, et voyci comment : l’imagination premierement recueille les especes et figures des choses tant presentes par le service des cinq sens, qu’absentes par le benefice du sens commun ; puis les represente, si elle veust, à l’entendement, qui les considere, examine, cuit et juge : puis elle-mesme les met en depost et conserve en la memoire, comme l’escrivain au papier, pour, derechef, quand besoin sera, les en tirer et extraire (ce que l’on appelle reminiscence) ; ou bien, si elle veust, les recommande à la memoire, avant les presenter à l’entendement. Par quoy recueillir, representer à l’entendement, mettre en la memoire, et les extraire, sont tous œuvres de l’imagination. Et ainsi à elle appartient le sens commun, la reminis-