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LIVRE I, CHAPITRE VIII.

Il est premierement très difficilement de definir et bien dire au vray que c'est l'ame, comme generalement toutes formes, d'autant que ce sont choses re-


    en Italie, il les produict bien plus ingenieux qu’en Moscovie et Tartarie ; aussi l’esprit (c), selon la diversité des dispositions organiques, des instrumens corporels, raisonne mieux ou moins. Or l’instrument de l’ame raisonnable, c’est le cerveau et le temperament d’iceluy, duquel nous avons à parler.

    Temperament est la mixtion et proportion des quatre premieres qualités, chaud, froid, sec, et humide, ou bien une cinquiesme et comme l’harmonie resultante de ces quatre. Or du temperament du cerveau vient et depend tout l’estat et l’action de l’ame raisonnable : mais ce qui cause et apporte une grande misere à l’homme, est que les trois facultez de l’ame raisonnable, entendement, memoire, imagination, requierent et s’exercent par temperamens contraires. Le temperament de l’entendement est sec, d’où vient que les advancés en aage prevalent en entendement par dessus les jeunes, d’autant que le cerveau s’essuye et s’asseiche tousjours plus : aussi les melancholiques secs, les affligés, indigens, et qui sont à jeun (car la tristesse et le jeusne desseiche), sont prudens et ingenieux. Splendor siccus, animus sapientissimis. Vexatio dat intellectum (d). Et les bestes de temperament plus sec, comme fourmis, abeilles, elephans, sont prudentes et inge-

    (c) Cette phrase est ainsi bouleversée dans l'édition de Bastien, par la transposition d'une ligne : « aussy l'esprit selon la diversité des dispositions organiques des moins. Or l'instrument de l'ame raisonnable instrumens corporels, raisonne mieux, ou c'est le cerveau, et le temperament d'iceluy, duquel nous avons à parler ».

    (d) « Tempérament sec, esprit très-sage. Les peines qu'on éprouve augmentent l'intelligence ».