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XIV
VIE DE CHARRON.


conde édition des Essais, que Charron devint véritablement l’élève de Montaigne. Le théologien profita des leçons du gentilhomme, et put se dire à son tour philosophe. Il se pénétra si bien des maximes, des opinions de son maître, qu’il crut dans la suite qu’elles lui appartenaient en propre : et quelquefois, sans même s’en douter, il fut plagiaire.

La mort put seule interrompre les douces relations de nos deux philosophes, leurs savans entretiens. Montaigne mourut en 1592, et, par une clause de son testament, permit à son ami de porter les armes de sa maison. Une telle concession a paru puérile, et surtout peu philosophique. Il serait possible pourtant d’en trouver le motif dans un sentiment louable et touchant. Montaigne ne laissait aucun enfant mâle ; en accordant à un étranger, le droit dont un héritier de son nom aurait seul pu jouir, ne semblait-il pas prononcer une adoption , se donner un fils ?

Il paraît que Charron, quoiqu’il eût beaucoup prêché, beaucoup écrit, n’avait encore fait imprimer aucun ouvrage. Mais, en 1594, il publia, à Bordeaux, son livre des Trois Vérités, auquel il ne crut pas devoir mettre son nom. Dans cet ouvrage, qui fut bien accueilli, et réimprimé plusieurs fois en peu d’années, on reconnaît l’esprit méthodique de Charron. Dans la première partie, ou Vérité, il combat les athées ; dans la seconde, les payens, les juifs et les mahométans ; dans la troisième, les hérétiques ou schismatiques. C’est cette troisième Vérité qui fit tout le succès de l’ouvrage. Charron y réfutait avec force,