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naturelle, la pasture, l’entretien, la vie de l’esprit, (…). Or, par où commencera, et puis continuera-il à mediter, à s’entretenir plus justement et naturellement que par soy-mesme ? Y a-il chose qui luy touche de plus près ? Certes, aller ailleurs et s’oublier est chose dénaturée et très injuste. C’est à chascun sa vraye et principale vacation, que se penser et bien tenir à soy. Aussi voyons-nous que chasque chose pense à soy, s’estudie la premiere, a des limites à ses occupations et desirs. Et toy, homme, qui veux embrasser l’univers, tout cognoistre, contre-roller et juger, ne te cognois et n’y estudies : et ainsi, en voulant faire l’habile et le scindic de nature, tu demeures le seul sot au monde. Tu es la plus vuide et necessiteuse, la plus vaine et misérable de toutes, et néantmoins la plus fiere et orgueilleuse. Parquoy, regarde dedans toy, recognois-toy, tiens-toy à toy : ton esprit et ta volonté, qui se consomme ailleurs, ramene-le à soy-mesme. Tu t’oublies, tu te respends, et te perds au dehors, tu te trahis et te desrobes à toy-mesme, tu regardes tousiours devant toy, ramasse-toy et t’enferme dedans toy : examine-toy, espie-toy, cognois-toy. Etc.