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fusé par les Chartreux, il tenta d’entrer chez les Célestins, qui lui alléguèrent les mêmes motifs et lui firent le même refus. Cependant le vœu que Charron avoit fait continuoit de troubler sa conscience, et il fallut que plusieurs docteurs de Sorbonne lui déclarassent que, vu les obstacles qui s’opposoient à son admission dans un cloître, il pouvoit continuer à vivre dans le monde en prêtre séculier. Il reprit ses stations, d’abord à Angers, et ensuite à Bordeaux. Ce fut dans cette dernière ville, en 1589, qu’il se ha intimement avec l’auteur des Essais, dont la seconde édition venoit de paroître. La mort seule put interrompre les douces relations qui s’étoient établies entre les deux philosophes. Montaigne termina sa carrière en 1592, et, comme il ne laissoit aucun enfant mâle, il permit à son disciple, par une clause testamentaire, de porter les armes de sa maison : c’étoit une sorte d’adoption dont Charron sentit tout le prix, et dont plus tard il se montra reconnoissant envers la famille de son maître.

Quoique Charron eût beaucoup écrit, il n’avoit encore publié aucun ouvrage ; mais, en 1694, il fit paroître à Bordeaux ses Trois Vérités, qui furent accueillies très favorablement, et réimprimées plusieurs fois en peu d’années. Dans cet ouvrage, auquel il ne crut pas devoir mettre son nom, il combat successivement les athées, les païens, les juifs et les mahométans, enfin, les hérétiques et les schismatiques. Dans la troisième Vérité, qui fit tout le succès de l’ouvrage, Charron réfutoit victorieusement le Petit Traité de l’Église, de Duplessis-Mornay, en faveur du protestantisme.