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à la femme de chambre de Madame de ***. Elle n’en a pas dit davantage. Nous ne lui avons rien répondu. Un instant après milord est entré. Il lui a demandé si elle voulait faire un tour en traîneau. Elle lui a dit : non, pas aujourd’hui, mais demain, s’il y a encore de la neige. Alors, s’étant approché d’elle, il a remarqué qu’elle était pâle et qu’elle avait les yeux gros. Il a demandé timidement ce qu’elle avait. Son parent lui a répondu d’un ton ferme qu’on ne pouvait pas le lui dire. Il n’a pas insisté ; il est resté rêveur ; et, un quart d’heure après, quelques femmes étant entrées, ils s’en sont allés tous deux. Cécile s’est assez bien remise. Nous n’avons reparlé de rien. Seulement en se couchant elle me dit : Maman, en vérité, je ne sais pas si je souhaite que la neige se fonde, ou qu’elle reste. Je ne lui répondis pas. La neige se fondit ; mais on s’est revu depuis comme auparavant. Cécile m’a paru cependant un peu plus sérieuse et réservée. La femme de chambre est jolie, et sa maîtresse aussi. Je ne sais laquelle des deux l’a inquiétée ; mais, depuis ce moment-là, je crains que tout ceci ne devienne bien sérieux. Je n’ai pas le temps d’en dire davantage aujourd’hui ; mais je vous écrirai bientôt.

Votre homme m’a donc enfin entendue, puisqu’il a dit : Si un roi peut n’être pas un gentilhomme, un manant pourra donc en être un. Soit ; mais je suppose, en faveur des nobles de naissance, que la noblesse de sentiment se trouvera plus souvent parmi eux qu’ailleurs. Il veut que, dans mon royaume, le roi anoblisse les héros ; un de Ruiter, un Tromp, un Fabert : à la bonne heure.