Page:Charrière - Caliste ou lettres écrites de Lausanne, 1845.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sentir ! Voici une bien longue lettre. Je suis fatiguée d’écrire. Adieu, ma chère amie.

Je m’aperçois que je n’ai parlé que des femmes infidèles riches ou pauvres ; j’aurais la même chose à dire des maris. S’ils ne sont pas riches, ils donnent à une maîtresse le nécessaire de leurs femmes ; s’ils sont riches, ce n’est que du superflu, et ils leur laissent mille amusements, mille ressources, mille consolations. Pour laisser épouser à ma fille un homme sans fortune, je veux qu’ils s’aiment passionnément : s’il est question d’un grand seigneur fort riche, j’y regarderai peut-être d’un peu moins près.


CINQUIÈME LETTRE


Votre mari trouve donc ma législation bien absurde, et il s’est donné la peine de faire une liste des inconvénients de mon projet. Que ne me remercie-t-il, l’ingrat, d’avoir arrêté sa pensée sur mille objets intéressants, de l’avoir fait réfléchir en huit jours plus qu’il n’avait peut-être réfléchi en toute sa vie ? Je vais répondre à quelques unes de ses objections. " les jeunes hommes mettraient trop d’application à plaire aux femmes qui pourraient les élever à une classe supérieure. " pas plus qu’ils n’en mettent aujourd’hui à séduire et à tromper les femmes de toutes les classes.

" Les maris, élevés par leurs femmes à une classe supérieure, leur auraient trop d’obligation. " outre que je ne verrais pas un grand inconvénient à cette reconnaissance, le nombre des obligés serait très petit, et il n’y aurait pas plus de mal à devoir à sa femme sa noblesse que sa fortune ; obligation que nous voyons contracter tous les jours.