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NOTICE.

de la République française. » — L’Adèle de Sénange y est fort louée.

Constance n’aurait pas voulu vivre, dit-elle, avec Jean-Jacques ni avec Voltaire. — Avec Duclos ? oui. — Avec Fénelon ? oh ! oui. — Avec Racine ? oui. — Avec La Fontaine ? pourquoi non !… « Mais peut-être qu’après tout, ajoute-t-elle, le meilleur n’en vaudrait rien. Tous ces gens-là sont sujets, non seulement à préférer leur gloire à leurs amis, mais à ne voir dans leurs amis, dans la nature, dans les événements, que des récits, des tableaux, des réflexions à faire et à publier. » Nous croyons que Constance se trompe pour Racine, La Fontaine et Fénelon ; nous craignons qu’elle ne fasse que reporter un peu trop en arrière ce qui était vrai de son siècle, ce qui l’est surtout du nôtre.

La conclusion de la première partie des Trois Femmes se débat entre ? l’abbé et la baronne :


« Je n’ai pas trouvé, dit madame de Berghen quand elle revit l’abbé, que vos trois femmes prouvassent quoi que ce soit, mais elles m’ont intéressée. — Cela doit me suffire, dit l’abbé ; mais n’avez-vous pas quelque estime pour chacune de mes trois femmes ? — Je ne puis le nier, répondit la baronne. — Eh bien ! dit l’abbé, ai-je prétendu autre chose ?… Si je vous eusse parlé d’un de ces êtres, comme j’en connais beaucoup, qui, même lorsqu’ils ne font pas de mal, ne font aucun bien, ou ne font que celui qui leur convient ; qui, n’ayant que leur intérêt pour guide, n’en supposent jamais aucun autre au cœur d’autrui, vous l’eussiez sûrement méprisé. De l’esprit, des talents, des lumières, rien ne vous réconcilierait avec un homme de cette trempe ; il faut voir en un homme, pour le pouvoir estimer, que quelque chose lui paraît être bien, quelque chose être mal ; il faut voir en lui une moralité quelconque. »