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pour un roi qui n’est pas de beaucoup supérieur à tous les Prussiens ? Enfin, cela vaut encore mieux qu’une république. — Vous voulez bien me demander ce que je fais et où je vais. — C’est une vraie faveur que cette question, puisqu’elle suppose de l’intérêt. Je reste ici jusqu’au 1er de mars. Alors je verrai quel est le lieu de la Suisse où ma colonie, accrue de M. de Talleyrand, sera paisiblement. — Encore une question.

Neuchâtel , vers lequel votre séjour me fait sans cesse tourner les regards , le roi de Prusse n’y pourrait-il faire prendre un étranger qui lui déplairait ? Vos libertés s’étendent-elles jusqu’aux étrangers qui habitent votre sol ? Vous voyez que les Français triomphent. C’est une époque, dans l’histoire morale, comme le déluge. Toutes les idées ont été englouties. Quelle colombe nous rapportera la première branche ? car ce n’est plus la conquête ni la force qui y réussiront. — Si vous savez quelque chose de nos pauvres prisonniers , soyez assez bonne pour me le mander. — Pourquoi n’écririez-vous pas au roi de Prusse ? Votre nom et votre talent exciteraient sa curiosité. Lally est éloquent, mais il est prévu. — Pourquoi n’écrivez-vous pas au général ? — Mon Dieu, que je voudrais n’avoir pas lu Caliste dix fois ! J’aurais devant moi une heure sûre de suspension de toutes mes peines. — Parlez de moi à M. de Charrière , et soyez à jamais bonne pour moi, qui ai admiré plus que personne ce que tout le monde admire en vous.




V.


Zurich, 18 avril[1].

Je n’ai pas le moindre tort, madame, excepté celui de

  1. De 1794 probablement.