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entendre et parler plus à notre aise. Elle y consentit, me dit de commencer, et m’écouta sans presque m’interrompre : seulement, quand je m’accusais, elle m’excusait ; quand je parlais d’elle, elle me souriait avec attendrissement ; quand elle me voyait malheureux, elle me regardait avec pitié. Le peu de liaison qu’elle vit entre lady Betty et moi ne parut point lui faire de plaisir, cependant elle n’en affecta point de chagrin.

— Je vois, dit-elle, que je n’ai jamais été entièrement dédaignée ni oubliée ; c’est tout ce que je pouvais demander. Je vous en remercie, et je rends grâces au ciel de ce que j’ai pu le savoir. Je vais vous faire aussi l’histoire de cette triste année. Je ne vous dirai pas tout ce que j’éprouvai sur la route de Bath à Londres, tressaillant au moindre bruit que j’entendais derrière moi, n’osant regarder, de peur de m’assurer que ce n’était pas vous, éclaircie ensuite malgré moi, me flattant de nouveau, de nouveau désabusée… c’est assez : si vous ne sentez pas tout ce que je pourrais vous dire, vous ne le comprendriez jamais. En arrivant à Londres, j’appris que l’oncle de mon père était mort il y avait quelques jours, et qu’il m’avait laissé son bien, qui, tous les legs payés, montait, outre sa maison, à près de trente mille pièces. Cet événement me frappa, quoique la mort d’un homme de quatre-vingt-quatre ans soit dans tous les instants moins étonnante que sa vie, et je sentis une espèce de chagrin dont je fus quelque temps à démêler la cause. Je la démêlai pourtant. J’avais une obligation de plus à ne pas rompre mon mariage. Avoir écouté auparavant M. M***, et le rejeter au moment où j’avais quelque chose à donner en échange d’un nom, d’un état honnête, me parut presque impossible. Il en serait résulté pour moi un genre de déshonneur auquel je n’étais pas encore accoutumée. Il arriva le lendemain, me montra un état de son bien, aussi clair que le bien même, et un contrat de mariage