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CALISTE,
OU


SUITE DES LETTRES


ÉCRITES DE LAUSANNE



DIX-HUITIÈME LETTRE


Nous attendons votre réponse dans une jolie maison à trois quarts de lieue de Lausanne, que l’on m’a prêtée. Les étrangers qui demandaient à louer la mienne, et qui l’ont louée, étaient pressés d’y entrer. J’y ai laissé tous mes meubles, de sorte que nous n’avons eu ni fatigue ni embarras. Il serait possible que, la neige ne se fondant pas, ou se fondant tout-à-coup, nous ne pussions partir aussitôt que nous le voudrions. À présent cela m’est assez égal ; mais au moment où nous quittâmes Lausanne, j’aurais voulu avoir plus loin à aller, et des objets plus nouveaux à présenter aux yeux et à l’imagination de ma fille. Quelque tendresse qu’on ait pour une mère, il me semblait que se trouver toute seule avec elle au mois de mars pouvait paraître un peu triste. C’eût été la première fois que j’aurais vu Cécile s’ennuyer avec moi, et désirer que notre tête-à-tête fût interrompu. Je vous avoue que, redoutant cette mortification, j’avais fait tout ce que j’avais pu pour me l’épargner. Un portefeuille d’estampes que m’avait prêté M. d’Ey** ; les Mille et une Nuits, Gil Blas ; les Contes d’Hamilton et Zadig avaient pris les devants avec un piano-forté et