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nagements de son cousin, et ne dirait mot du souper, de peur de se faire porter envie. Je ne lui aurais pas demandé le secret, mais je ne suis pas fâchée que de lui-même il le garde. Mon cousin me fait tout de bon pitié. Les Français repartent demain. Ils ont fait grande sensation ici ; mais, en admirant l’application et les talents de l’aîné, on regrettait qu’il ne parlât pas un peu plus, qu’il ne fût pas comme un autre ; et, en admirant la vivacité d’esprit et la gentillesse du cadet, on aurait voulu qu’il parlât moins, qu’il fût circonspect et modeste, sans penser qu’il n’y aurait alors plus rien à admirer non plus qu’à critiquer chez aucun des deux. On ne voit point assez que, chez nous autres humains, le revers de la médaille est de son essence aussi bien que le beau côté. Changez quelque chose, vous changez tout. Dans l’équilibre des facultés vous trouverez la médiocrité comme la sagesse. Adieu, je vous enverrai, par les parents de votre mari, la silhouette de ma fille.


SEIZIÈME LETTRE


Je vais vite copier une lettre du Bernois que mon cousin vient de m’envoyer.

« Ta parente, Cécile de ***, est la première femme que j’aie jamais désiré d’appeler mienne. Elle et sa mère sont les premières femmes avec qui j’aie pu croire que je serais heureux de passer ma vie. Dis-moi, mon cher ami, toi qui les connais, si je me suis trompé dans le jugement parfaitement avantageux que j’ai porté d’elles ? Dis-moi encore (car c’est une seconde question), dis, sans te croire obligé de détailler tes motifs, si tu me conseilles de m’attacher à Cécile et de la demander à sa mère ? »

Plus bas, mon cousin a écrit : « A ta première question