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— Hélas ! fit Kanbolay, la mort nous fauche tous les jours, nous ne sommes plus que dix ! et il montrait ses deux mains ouvertes.

— Amène-les tous, si tu veux ; n’oublie pas surtout de m’apporter des armes, arcs, flèches et haches de pierre ; celles que je te donnerai valent mieux.

— Je m’en vais tout de suite.

— Mange d’abord ; rassasie-toi.

— Non, je veux partir. » Il semblait au bonhomme que, partant sur l’heure, il reviendrait plus tôt.

« Eh bien, pars.

— Adieu, seigneur.

— Adieu, Kanbolay. »

Et le sauvage, jetant un dernier regard de convoitise sur les richesses étalées devant lui, dévala en courant la berge du fleuve, sauta dans son canot et disparut.

« As-tu vu, père, dit François, quel plaisir Kanbolay avait à manger du sel ?

— Oui, mon enfant. C’est que le sel, qui est un objet de première nécessité, manque entièrement à ces pauvres gens ; ils en sont réduits à saler leurs aliments avec les cendres de certains bois, qui ne remplacent pas du tout le sel. Aussi est-ce la chose qu’ils estiment le plus.

— Quelle délicieuse journée nous passerons demain si les Lacandons reviennent ! dit Eléonore.

— Ils reviendront, sois tranquille, ma fille, et toi, Pancho, prépare tes instruments, car tu auras à prendre la photographie de tous nos visiteurs.

— Je serai prêt, mon père. »

L’après-midi se passa en excursions dans le bois, où les trois inséparables, Pancho, Sulpice et Bénito, furent assez heureux pour rencontrer un hocco et une dinde sauvage, qu’ils tuèrent tous les deux et dont l’Indien avait sa charge. Ce dernier oiseau, fort rare dans ces parages, appartenait à l’espèce qui habite spécialement le Yucatan ; c’est un des plus magnifiques volatiles qui se puissent voir. On ne saurait le confondre avec celui du