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en voyant Éléonore et serra la main de François qui le détaillait avec étonnement. Frémont, que ses longues relations dans le pays avaient familiarisé avec la langue indienne, put converser avec le bonhomme sans interprète. Le sauvage lui raconta que, la veille, il avait entendu les coups de feu, dont les gens de sa tribu s’étaient légèrement effrayés ; mais que lui, vieux chef, savait que les blancs étaient bons ; il avait appris que le voyageur était, lui aussi, un grand chef dans son village, et il était accouru pour lui souhaiter le bonjour. Il jetait en même temps des regards de convoitise sur les nombreux bagages amoncelés dans le campement.

Frémont comprit l’expression de cette pantomime.

« Comment t’appelles-tu ? lui dit-il.

— Je m’appelle Kanbolay, le chat sauvage.

— Eh bien, Kanbolay, tu es le bienvenu parmi nous ; je t’attendais et, comptant rencontrer des gens de ta tribu, j’ai apporté à ton intention et à la leur des choses qui vous feront plaisir.

— Oh ! voyons ces choses », dit Kanbolay.

Sur un signe de Frémont on apporta divers paquets que l’on ouvrit, et les yeux du Lacandon s’allumèrent. « Des haches ! fit-il ravi en maniant de grandes cognées américaines. Des machétés ! des couteaux. Du sel ! oh ! du sel ! » dit-il en plongeant sa main dans le sac avec la jouissance d’un avare plongeant la sienne dans une coulée d’or ; puis il en saisit une poignée qu’il porta vivement à sa bouche, le croqua comme du sucre, et, ma foi, perdant toute gravité, se mit à danser une sarabande échevelée.

Les enfants riaient aux éclats.

« Et tout cela est pour moi ? fit-il, revenant auprès de Prémont.

— Oui, pour toi et les tiens, à condition que tu nous apporteras des fruits et que tu nous prêteras des canoas pour nous transporter à la ville des temples.

— Et quand veux-tu que je revienne ?

— Demain matin ; mais, dis-moi, de combien de personnes se compose la tribu ?