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il ne reste plus que quelques rares survivants d’une race fatalement condamnée. C’est ce que l’on appelle la lutte pour l’existence, le combat pour la vie.

— Il me faudra donc lutter aussi ? demanda François.

— Certainement, mon ami : mais tu peux remercier ton père qui a lutté pour loi afin de te rendre la victoire plus facile. Grâce à lui, tu pourras te présenter dans l’arène avec la fortune et l’instruction, ces armes souveraines, qui te classeront parmi les forts et les vainqueurs, si tu sais en faire un bon usage. »

Les Indiens, sur ces entrefaites, apportèrent du miel qui servit de dessert, mais qu’on trouva légèrement acide et sans parfum.

La causerie du déjeuner se continuait, lorsque l’un des muletiers, qui surveillait les animaux paissant sur les bords de l’Usumacinta, poussa un long cri d’appel. Que se passait-il ? On courut vers la berge, d’où chacun put assister à un spectacle singulier. À quelques centaines de mètres en amont du fleuve, s’avançait, porté par le courant, un léger canot à la pointe duquel se tenait debout, la pagaie sur l’épaule, un Indien de haute taille. L’apparition de cet homme dans ce lieu solitaire avait quelque chose de fantastique. Long, mince, les jambes nues, le buste couvert d’une espèce de tunique flottante, il avait au cou un énorme collier de graines d’un rouge éclatant qui lui descendait sur la poitrine, et sa tête était entourée d’une bande d’étoffe de couleur qui la ceignait comme un diadème ; on eût dit un roi sauvage ou le génie mystérieux du fleuve inspectant ses rives.

« Oh ! père, dirent les enfants ; qu’est-ce que c’est que cet homme ?

— Probablement un chef lacandon. »

Mais le canot s’était rapproché du rivage ; en quelques coups de pagaie l’homme aborda ; il mit pied à terre et demeura confus devant tant de monde.

La plupart des gens de la troupe parlaient maya, et c’était aussi la langue des Indiens qui vivaient dans les bois. Aussi la glace fut vite rompue. Le chef lacandon, c’en était un, gravit la berge, vint saluer Frémont, eut l’air tout surpris, poussa des cris d’admiration