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Honduras qui le conduisit à Florès, alors Tayasal, se faisait suivre d’un troupeau de porcs. Plusieurs s’échappèrent, et il est plus que probable que celui que nous allons manger tout à l’heure est un arrière-petit-fils des cochons de Cortez.

— Un vrai cochon historique ! dit Pancho, et tout le monde de rire. Yan, cria-t-il au Chinois, Yan, mon ami, ne va pas manquer notre rôti, traite-le avec tout le respect qu’il mérite. C’est du cochon historique. » Cela lui sembla si amusant qu’il en riait encore en se couchant et qu’il rêva cochons.

La journée du lendemain se passa comme la précédente ; la forêt sans limite prêtait aux voyageurs l’ombre de ses grands arbres, la température était douce, la marche difficile, entravée par les lianes et les troncs pourris qui barraient le sentier à chaque pas.

Non, ce jour-là, il n’y eut pas même un petit cochon à se mettre sous la dent, et l’on dut se rejeter sur les provisions, qui fort heureusement ne manquaient pas.

On atteignit l’Usumacinta de bonne heure et l’on eut tout le temps, avant la nuit, de mettre les mules au vert sur les rives du fleuve et d’établir le campement. Le paysage était magnifique ; le fleuve, large de 200 mètres et profondément encaissé dans les hautes berges de ses rives, se développait en aval et en amont en lointaines perspectives ; acajous, cèdres, banians aux troncs nerveux, aux racines serpenteuses, mélangés de palmiers divers, s’avançaient sur les bords du fleuve, où leurs branches s’épandaient en longues draperies de verdure multicolore. Les deux enfants, enchantés, s’en allèrent suivis de Bénito, portant l’objectif, prendre les photographies de ces beaux paysages.

De retour au campement, ils furent accueillis par un concert assourdissant ; c’étaient des couples d’aras qui regagnaient leurs couverts. Nos explorateurs s’étaient arrêtés tout juste près de l’endroit où ils se réunissaient chaque soir, deux par deux ; ils arrivaient poussant leurs bruyantes exclamations, et, sans souci des voyageurs, dont ils ne pouvaient suspecter les intentions, s’établissaient sur les arbres d’alentour. Ce fut bientôt un effroyable vacarme.