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famille errante et à la réussite du nouvel entrepreneur. Ce déjeuner était le dernier ; on devait partir le lendemain. Les Indiens appartenant à l’expédition avaient reçu l’ordre de rassembler les mules qui paissaient à quelques milles de là, sur les bords de l’Usumacinta, et de les ramener au village. Pour les enfants ce fut une dernière journée de repos ; mais tous deux avaient hâte de reprendre le cours de leur intéressante pérégrination.

Le soir les mules arrivèrent, luisantes, reposées, en parfait état ; Morcillo hennit de plaisir en retrouvant son maître, qui lui offrit en retour une brassée de jeunes cannes tendres, gourmandise dont les trois mules, Emperatriz, Golondrina et Mariposa, eurent leur part.

En route donc, et reprenons la file indienne. On se dirigeait à l’ouest, parallèlement à l’Usumacinta, que l’on devait rejoindre à deux journées de là et dont on suivrait le cours jusqu’à la ville Lorillard, qui était le but de celle première partie de l’expédition.

Cette ville Lorillard, centre important de l’ancienne civilisation indienne, avait été récemment découverte par un explorateur français, qui l’avait baptisée Lorillard en souvenir d’un riche Américain qui avait subventionné son exploration.

Rien de neuf, nul incident ne rompit la monotonie de cette première journée, si ce n’est, vers le soir, une troupe de sangliers qui vint couper le convoi. Ils étaient nombreux, une douzaine au moins, qui, lancés à fond de train, traversèrent la ligne comme un éclair. Cependant le bruit de leur course avait été signalé par les Indiens de l’avant-garde. « Jabalis ! jabalis ! » criaient-ils en chœur. Frémont s’était élancé au premier cri d’appel, et fut assez heureux pour fusiller l’un d’eux, qui resta sur le terrain. Décidément on ne manquerait pas de viande fraîche. L’animal fut hissé sur une mule qui dut, bon gré, mal gré, accepter ce supplément de charge. Du reste, on arrivait au campement, ce ne fut donc pour la bêle qu’une courte épreuve.

Les enfants, comme d’habitude, vinrent assister au dépouillement du jabali. L’animal était gros, replet, bas sur jambes, avec un pelage gris de fer à poils courts.