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du petit ophidien. Puis, le prenant par le cou, il le fit admirer aux enfants et le réunit à sa collection.

Frémont rentrait également de sa visite aux travailleurs, et les enfants lui montrèrent avec orgueil les résultats de leur courte expédition.

Le repas achevé, tous prirent le chemin de la forêt, moins Éléonore, qui, légèrement fatiguée, resta au logis en compagnie de Pétronille.

Comme les hautes futaies sauvages abritent d’autres êtres que la plaine cultivée, hôtes quelquefois dangereux, chacun se mit en tenue de combat ; fusils de chasse et carabines Winchester remplacèrent le filet inoffensif, et, les jambes garnies de guêtres, l’on partit.

Frémont se proposait de montrer à son fils comment les Indiens s’y prennent pour abattre l’acajou, et l’on se dirigea vers le nord-est, dans une partie de la forêt où l’on venait d’ouvrir un nouveau chantier. Les acajous se trouvent, comme tout autre végétal, isolés ou par groupes ; en cet endroit ils formaient un véritable bosquet. Le bois, très touffu, n’offrait aux regards qu’un fouillis d’arbustes et de lianes gigantesques dont les bras immenses, courant d’un arbre à l’autre, les reliaient tous entre eux, et c’est ce qui prêtait à cette vulgaire opération de l’abatage un côté pittoresque. Pour les Indiens, ce métier de coupeur de bois est celui qu’ils préfèrent ; il y a comme un instinct héréditaire qui les y pousse, car de tout temps leurs ancêtres ne connurent d’autre manière de cultiver que d’abattre les arbres des forêts qui couvraient leur territoire et de les brûler ensuite pour y piquer le maïs ; les cendres servaient d’engrais, les broussailles amoncelées sur les confins du champ servaient de barrière contre les incursions des fauves, et la moisson, à l’abri de tout danger, se développait vigoureuse. Chaque travailleur apportait donc à son ouvrage une ardeur extraordinaire et une habileté d’artiste ; la tranchée s’ouvrait sans une écorniflure et faite, avec un simple coup d’œil, du côté juste où les arbres devraient tomber ; il fallait de plus calculer l’action des lianes qui les reliaient entre eux.