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lesquelles on avait établi les cases, dont la plus grande, divisée en compartiments, avait été réservée pour Frémont et sa famille.

Ces cases, construites en un tour de main, montraient bien qu’elles n’étaient que provisoires ; les murailles en étaient de branches menues entrelacées de roseaux et reliées avec des lianes ; elles laissaient passer l’air et le jour, de sorte qu’à l’intérieur on devait tendre des nattes pour éviter les regards indiscrets ; les toits étaient de chaume. C’était néanmoins un véritable luxe pour des voyageurs habitués à n’avoir d’autre abri que l’ombre des grands arbres et la calotte des cieux.

La rivière le Yalchilan, qui coulait parallèle à l’Usumacinta pour aller se jeter dans le fleuve à quelques lieues plus loin, ne servait pas seulement à désaltérer les animaux et les hommes, elle servait aussi à transporter le bois qu’à son embouchure on déchargeait dans le fleuve.

La petite plaine présentait un spectacle réjouissant, car outre les arbres à fruits laissés par les Lacandons, orangers, citronniers, chirimoyos, bouquets de roseaux qu’ils cultivaient pour leurs flèches, champs de cannes à sucre qui poussaient sauvages, mais encore fort douces, les envahisseurs avaient semé du maïs et des haricots qui leur donnaient du pain frais et des légumes, tandis que les tiges vertes ou sèches constituaient un excellent fourrage pour les bêtes de somme ; elles avaient en outre comme pâturage les rives de l’Usumacinta, qui se trouvait à deux kilomètres de là et dont les talus étaient garnis d’herbages appétissants.

Les oiseaux et les papillons avaient tout de suite eu connaissance de cette clairière, où ils étaient arrivés en foule, attirés par la verdure et les fleurs : le moqueur, qui aime la compagnie des hommes, était là, voltigeant près des cases ; des pics faisaient retentir les arbres des coups de leurs becs acérés, et jusqu’à des urubus, petits vautours noirs, ces balayeurs du Nouveau Monde, étaient venus se charger de la voirie du camp ; Éléonore était aux anges, Sulpice ravi, car il voyait là un champ merveilleux pour ses collections, et il lui serait facile de rayonner au loin à la recherche des espèces rares.